Violette cache aussi sous son lit un carton plein de cauchemars : elle les pose là et referme bien la boîte. Faut pas qu'ils se sauvent au milieu de la nuit pour se frayer un chemin dans sa tête...
De nuit en nuit, voilà ce qu'a amassé Violette :
« Le cauchemar du tunnel sans fin », le cauchemar où je suis toute nue à l'école », « le cauchemar où Mamie est morte », « le cauchemar aux serpents-cigognes »,
« le cauchemar où mes mots sont coincés dans ma gorge », « le cauchemar qui fait vrai ».
"Un bruit nouveau, inédit, m'avait attiré près de la fenêtre donnant sur le parc.
J'ai assisté alors à une parade incroyable, entre mirage et réalité.
Sur un immense escalier fragile, bois flotté et algue verte, comme accroché au ciel, je vis une fille, les bras chargés de valises. Elle marchait vers moi, je m'en persuadais en tout cas. Elle semblait, petite funambule, marcher en équilibre instable.
Autour d'elle, morceaux de lune, oiseaux, papillons, ballons et nuages, tenus par des fils immenses, donnaient à son arrivée un air de grand cirque."
"Il nous a dit qu'il a peur de se faire arrêter, dans la rue, dans le métro. Il a dit que c’est pénible, que ça lui donne l’impression d’avoir fait quelque chose de mal.
Il a dit que tous les jours, il a peur plusieurs fois et qu’il se met à courir, parfois pour rien.
Et moi, Ousmane, je voudrais courir avec lui ! Moins vite, derrière, à la traîne, parce que j’ai des petites jambes, mais quand –même.
Ce soir-là, je suis rentré, triste, en faisant glisser mes mains sur les murs."
je voulais. Elle nous a dit que cette année, on
allait faire de la danse.
Quand elle a dit ça, moi, dans ma tête, je me
suis dit: «c’est ma chance, une chance en or, je
vais danser, bouger mon corps, oublier le foot !»
Mais quand j’ai vu la tête des copains de la
classe, j’ai fait comme eux, j’ai dit c’est pourri,
c’est nul, c’est un truc de filles, de meufs, de
nénettes, de nanas. Pourquoi pas couture aussi,
tant qu’on y est? Ou bercer des poupées, collec-
tionner des perles, faire des bracelets brésiliens
et se déguiser en princesses? Non mais alors,
Mademoiselle Z., vous nous prenez pour qui ? On
est des garçons, on veut faire du foot !»
"J’ai eu du mal à dormir ce soir-là.
Ça me fait mal au cœur d’habiter dans un pays qui dit aux gens comme Ousmane : « Va-t-en, tu déranges ! ».
Pas fermé l’œil."
